[…]
l'instrument est de la matière conditionnée pour assurer la
transmission d'une certaine énergie des muscles aux tympans.
[…]
Il faut alors un intermédiaire biface, entre les mouvements amples
et lents de notre main et les mouvements microscopiques et rapides de
notre tympan, un dispositif matériel présentant d'une part les deux
comportements possibles, permettant d'autre part un transfert
d'énergie du premier au second. […] le découpage de la chaine qui
va de la main à l'oreille est lié à des propriétés élémentaires
de la matière et non à des circonstances culturelles.1
Instrument
du latin "instrumentum" (outillage) à son tour dérivé de
"instruere" construire, préparer: « objet
fabriqué (outil, machine, appareil…) dont on se sert pour une
opération
»
;
l’opération dans notre cas est la musique, ou -pour être moins
sélectif- la création sonore. Un outils, une machine pour la
création sonore. Un bref regard à n'importe quel texte
d'organologie et on se rend vite compte que les instruments ont eu souvent une
longue gestation et leur capacités expressives sont le fruit d'une
lente symbiose entre le corps du musicien et le corps de l'instrument
même. La
majorité des instruments acoustiques forment un système complexe où
tous les éléments concourent à la création (vibration) sonore:
l’énergie sonore est physique, corporellement physique. C'est
principalement avec la musique électronique qu'on aborde le concept
d'interface et la dissociation de la chaine causale.
Seul
devant ses appareils, qui sont bien le contraire d'instruments (ne
présupposant aucun système, aucun ordre implicite) le « musicien »
quitte la rive d'un monde où la production éphémère du son
obéissait à la loi mécanique, cartésienne, liant chaque fois
singulièrement, cause à effet. Les machines forment une nouvelle
chaîne causale, capable de reproduire le même effet-image [le son
et sa transformation], disponible facilement au gré de
l'expérimentateur.3
Donc
quelles doivent être les caractéristiques de telles "machines"
pour être expressives ? L’étymologie du mot instrument
peut fournir une partie de la réponse. "Instruire":
construire dedans - "enstruire"
«
former
l'esprit de quelqu'un par des préceptes, des leçons
»; donc dans la construction d'un instrument, la connaissance, la
pratique et l'éducation constituent les bases factuelles de ses
possibilités expressives. C'est la pratique qui fait la différence,
et dans le cas de la lutherie électronique c'est la synergie entre
les divers acteurs (ingénieurs, informaticiens, artistes) en même
temps qu'un projet artistique clair qui fournissent les éléments
pour un développement expressif de l'instrument. C'est
le travail du musicien qui rend un geste musical car son geste est le
reflet de ses intentions et de ses besoins quant à la production du
son.
la
virtuosité dans ce domaine dépasse normalement les avocats de
l'analyse formelle et de la mesure, car elle témoigne d'une prouesse
presque inhumaine dans le processus d'information et de contrôle
neuromusculaire.4
Dans
le domaine des nouvelles interfaces où le principe de modularité
semble être une obligation il y a souvent une fascination pour la
technologie à laquelle on se réfère pour résoudre (en changeant
l'ordre des modules ou en créant de nouveaux) les problèmes
expressifs, traitant ainsi l'homme comme un appendice des machines.
1Claude
Cadoz: Musique, geste, technologie,
dans
Genevois-DeVivo, Les
nouveaux gestes de la musique,
Editions Parenthèses, Marseille, 1999.
3
François Bayle, Acousmatique propositions… …positions,
INA/GRM Buchet/Chastel, Paris, 1999
4
Sally Jane Norman, Michel Waisvisz et Joel Ryan: Touchstone,
1998, http://www.crackle.org/touch.htm.
No comments:
Post a Comment